Mercury (1938-2011)

Le 2 juin 2010, le groupe Ford annonce la mise à mort de Mercury, une marque dont le positionnement était devenu flou et dont le sacrifice devait permettre à Lincoln de survivre, ce qui s'avère être le cas 10 ans plus tard. Je vous propose de revenir sur l'histoire de ce blason un petit peu oublié.

En 1937, Edsel Ford remarque le succès de marques comme Buick, Lasalle, Oldsmobile ou Pontiac et voit une opportunité d'occuper l'espace vacant entre Ford et Lincoln, ce que nous appellerions aujourd'hui le semi-premium. Le 4 novembre 1938, nous assistons à la naissance de Mercury malgré l'hostilité d'Henry Ford qui ne manquait jamais une occasion de rabaisser son fils. La première auto, déclinée en quatre différentes carrosseries, est la 1939 Mercury 8. Il ne s'agit pas d'un simple rebadging de Ford, elle repose sur une plateforme plus large et à meilleur empattement (2,95 mètres ou 116 pouces) alors que le V8 "Flathead" passe de 3,6 (221 ci) à 3,9 (239 ci) litres avec une puissance qui grimpe de 85 à 95 chevaux.
Les ambitions de Mercury ne sont alors pas uniquement nationales, la marque tente sa chance dans les pays d'Europe dépourvus d'industrie automobile (Norvège, Pays-Bas, Belgique, Suisse). Le Canada assemble quant à lui les versions avec volant à droite pour l'Empire britannique. Petite anecdote à ce sujet, la dernière voiture civile produite par le groupe Ford après Pearl Harbor est une Mercury canadienne d'avril 1942 exportée au Kenya.

Entre 1942 et 1945, le groupe Ford participe à l'effort de guerre et la pourtant courte carrière de Mercury est mise en pause. À la fin du conflit mondial, la machine redémarre avec, en particulier, la création de la division Lincoln-Mercury comme organisation marketing. Rien n'est alors trop beau pour Mercury qui possède ses propres usines et son propre centre de R&D, la marque a également en charge la responsabilité de ses achats.

Les 1949-1951 Mercury deviennent mythiques, aidées il est vrai par un joli coup de pub de James Dean dans la Fureur de Vivre (sorti en 1955), elles restent aujourd'hui parmi les chouchoutes des hot-rodders. Revers de la médaille de ce succès auprès de ces derniers, il devient très difficile de trouver aujourd'hui un exemplaire dans son jus.
Durant la seconde moitié des années 50, le constructeur de Dearborn, sous l'impulsion d'un ancien de GM Ernie Breech, crée une multitude de marques dont chacune doit concurrencer les marques de son confrère, Continental pour Cadillac, Lincoln pour Buick, Edsel pour Oldsmobile, Mercury pour Pontiac et Ford pour Chevrolet.

Cette stratégie se heurte au fiasco d'Edsel qui disparaît en 1960 en laissant un joli trou de 250 millions de dollars, une somme colossale à l'époque, dans la caisse. Conséquence, hors de question de donner à Mercury une indépendance totale, fini les usines ou les moteurs spécifiques, ce qui ne l'empêche pas de récupérer le projet d'une compacte de luxe, la Comet qui devait originellement être l'Edsel B. L'auto repose sur une plateforme de Falcon dont l'empattement est allongé de 2,78 à 2,90 mètres (109,5 à 114 pouces). Il s'agit également de la première Mercury animée par un 6 cylindres.
Les années 60 sont celles des muscles cars, Mercury dégaine son premier missile en 1964 avec la Comet Cyclone, elle offre 271 chevaux sortis d'un 4,7 litres (289 ci). Deux ans plus tard, la Cougar, dérivée de la Mustang, s'offre le titre de voiture de l'année de Motor Trend.
Hélas, la longue descente aux enfers de Mercury débute dès les années 70 avec, en particulier, la charge pour la division Lincoln-Mercury de vendre des autos importées d'Europe, par exemple les Ford Capri et DeTomaso Pantera, qui s'avèrent être des bides retentissants de ce côté de l'Atlantique. Conséquence directe de ces échecs, Mercury commence à être perçue à la fin de la décennie comme une marque de "losers", même si Ford se casse aussi les dents avec cette stratégie lorsqu'il tente de commercialiser la première Fiesta. Seule éclaircie, c'est en 1978 que Mercury bat son record de ventes de 580 000 unités.

En 1979, la Capri change de peau, elle devient une Mustang Fox rebadgée, elle symbolise surtout les difficultés que Mercury commence à rencontrer avec des ventes qui s'effondrent de 50% dès 1980. À Dearborn, les dirigeants commencent à négliger la marque, priorité est donnée à Lincoln. Pour remettre du beurre dans les épinards, certains concessionnaires Lincoln-Mercury tentent leur chance avec Merkur, un fiasco de plus. Heureusement, la berline Sable (alternative à la Taurus) rencontre son public.
Mercury aborde les années 90 sur le mode "mondialisation", la Capri troisième du nom vient d'Australie, le Villager est un Nissan Quest rebadgé. Finalement, c'est un produit américain qui sauve l'honneur, il s'agit du SUV Mountaineer avec V8 et quatre roues motrices. 1998 voit la naissance de la dernière Mercury sans équivalent chez Ford en Amérique du Nord, la Cougar qui cesse sa carrière en 2002.
En 1999, le groupe Ford regroupe toutes ses marques premium sous l'organisation Premier Automotive Group. Quatre ans et 17 milliards de dollars plus tard, celle-ci disparaît, la division Mercury-Lincoln, alors délocalisée en Californie, revient à Dearborn. Des années 2000, nous retiendrons surtout la Marauder, une méchante Grand Marquis avec 4,6 litres V8 de 302 chevaux.
La crise économique de 2009 met le dernier clou dans le cercueil de Mercury, les ventes passent pour la première fois depuis 1946 sous la barre des 100 000 unités et le nombre de concessionnaires chute de 357 à 292. Le 2 juin 2010, Ford jette officiellement l'éponge, la dernière Mercury, une Grand Marquis, sort le 5 janvier 2011 à l'usine de St-Thomas au Canada, dans la province de l'Ontario.

Via Automobile, The Detroit Bureau, Mac's Motor City Garage, Motor Authority

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